Hello, Nice To Love You

Jeudi 30 novembre 2006, 8 h 50

(…) Garder une trace. Oui, il faut garder une trace, de ces moments. Où l'on arrive – enfin ! – à vivre l'aube, à la surprendre sans que le sommeil nous la fasse manquer systématiquement. Je suis là, libre, à marcher à la découverte de l'aube. Et les petites voitures avancent dans la lumière grise du matin. Même si mon esprit n'est pas une construction liée, mais une pelote de fils qui s'entremêlent, oui, même avec ça, j'ai le droit d'être et de l'écrire. Il faut que j'arrête de voir les censeurs se pointer à chaque mot. Je ne vais pas me faire pendre. (…)

(…) Il faut, oui, garder une trace. Parce que je marche au son de la musique, tantôt rapide, tantôt plus lente et je suis consciente de la chance que j'ai. Car je suis verticale en ce monde, et je perçois son immensité. Les gens dans les petites voitures, eux, ils sont assis avec leur vue limitée, l'attention portée sur les feux et le trafic. Et les travailleurs, les ouvriers, vêtus d'orange. J'admire leur courage. Ils sont penchés, accroupis – une position inconfortable – et moi, je suis libre et verticale, un luxe, un luxe. Ils se mêlent déjà si tôt le matin à la boue et au bruit, je les admire. Si j'étais née homme, et que je ne vivais pas dans le luxe, moi aussi, je serais là, le corps penché. Serais-je heureuse alors ? Trouverais-je mon moment dans un coin perdu, les gants pleins de boue ? (…)

(…) J'ai vu les lumières de la ville. J'ai pensé à la futilité de ce monde, où les gens se bornent à éclairer l'extérieur, devant les beaux magasins, alors que dans le fin fond d'untel, il fait si sombre. Pourquoi mettre les lumières à l'extérieur quand on a perdu la sienne ? Les lumières, donc. Qu'elles soient. Peut-être qu'en les voyant à l'extérieur, on esquisse un sourire à ce cadeau de … l'état ? … et on a tendance à sourire encore davantage, comme quand le soleil nous honore de sa présence – mais moi je préfère l'hiver. (…)

Musique : PJ Harvey - Angel